Iron Roman - Le récit de mon Ironman

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lundi 27 octobre 2008

Le marathon des trois « con »


Tchou! Tchou!Dans le train qui me mène vers mon quatrième marathon, les yeux fermés, je visualise ma course qui s’en vient et j’analyse mes erreurs passées. Un mantra s’installe dans ma tête et je le répète pour bien l’ancrer. Niagara, ce sera mon marathon des trois « con » :

Confiance.
Concentration.
Constance.


Confiance.
Les résultats de mes dernières courses le prouvent, un chrono de 3h23 est réaliste.
Mon coach me dit que c’est réaliste.
Jacqueline Gareau me dit que c’est réaliste.
Je me sens en pleine forme et j’ai suivi mon programme sans difficulté.
Confiance, confiance, confiance : en mon entraînement, en mon endurance, en moi.

Concentration
Ne pas me laisser distraire de mon objectif et ne pas dépenser de l’énergie sur autre chose que ma course. Pas de place aux pensées négatives. Ma foulée, ma cadence, ma posture, ma respiration, voilà ce qui compte.

Constance.
Vitesse constante, que dire de plus. Un marathon, ce n’est pas une piste de 400 mètres. Ce n’est pas le moment de faire des intervalles!

Vroom. Vroom.Dans l’autobus qui nous mène vers Buffalo, ville du départ du marathon, je fais la connaissance de deux coureurs de Québec : Marc et Martin, membres du club La Foulée et marathoniens d’expérience. On discute de nos objectifs personnels, je les trouve bien sympathiques. Marc vise autour de 3h25… Hum… Devrais-je me joindre à lui ?


Lapin, lapin.
Au musée qui nous accueille avant le départ, je fais la rencontre du troisième type : un lapin, un vrai ! En plus de ses oreilles, ce jeune homme de 23 ans a enfilé un costume de peluche blanc. Un vrai lapin qu’on a le goût de serrer dans ses bras parce qu’en plus, son objectif, c’est 3h20 ! J’apprends que c’est le 4e marathon de Brian en 4 semaines et qu’il a obtenu un chrono de 2h46 le week-end dernier. Je peux lui faire confiance. Mais 3h20, c’est trois minutes de moins que mon objectif… J’en ai les mains qui tremblent lorsque je confie à Éric et Gerry, un athlète de mon club, que j’ai envie de le suivre.
J’en discute également avec mes 2 nouveaux copains de Québec. Sans trop vouloir m’influencer, ils pensent que je pourrais tenter le coup. Mais Marc me lance en riant : « Si tu pars avec lui, il ne faut pas que je te rattrape par exemple! »

Il fait beau et il y a de forts vents favorables dehors… Je me dis que c’est le moment ou jamais et que je n’ai rien à perdre.

BANG.C’est un départ. Il semble y avoir une dizaine de coureurs dans le sillon du lapin. Une jeune femme me demande mon « PR ». Elle dit que le sien est 3h15. Mon record personnel en marathon?... Je n’ose pas lui réponde que c’est 3h38. J’ai peur qu’elle me trouve trop ambitieuse d’essayer de couper 18 minutes d’un coup!

Confiance. Confiance.

Moins d'une dizaine de kilomètres après le départ, je réalise que je suis maintenant seule avec Brian. Un lapin à moi toute seule! Et en peluche à part de ça! Il est grand, plutôt costaux et triathlète en plus. Il me cache lorsque les vents latéraux nous taquinent et je l'écoute placoter. Moi, c'est rare, mais là, je ne parle pas! Je me concentre! ;o)

Concentration. Concentration.

Mon lapin s'arrête aux points d'eau et prends son temps. Arrêt, accélération, vitesse de croisière. Lui, c'est comme ça qu'il fonctionne. Moi, je préfère ralentir juste un peu aux points d'eau pour ne pas avoir à trop ré-accélérer ensuite.

Constance. Constance.

J'ai hâte de franchir la marque du demi-marathon. Lorsqu’on y arrive, ça va bien, tout est sous contrôle. C'est là que je prends la décision de demeurer avec mon lapin.

Je me demande de temps en temps à quel moment mon sourire s'en ira. C'est inévitable dans un marathon à mon avis. Ce n’est pas une partie de plaisir, quand même !

Brian me dit tout à coup qu’il nous reste une heure avant d’arriver. Ah? Ah! Bon. Ça ne me fait ni chaud ni froid. Je me sens bien et je poursuis mon petit bonhomme de chemin.

Au 34e kilomètre environ par contre, je réalise que je suis maintenant derrière mon lapin plutôt qu’à côté. Ça signifie que j’ai commencé à ralentir. Devrais-je pousser un peu pour atteindre ce chrono de 3h20? Un peu inconsciemment, un peu nonchalament, il semble que je décide que non. Peut-être aurais-je dû ajouter un « com » dans mon mantra : combativité ou compétition.

Je cours, c’est tout. Il n’y a plus d’adrénaline.

Ça prend quelques kilomètres et mon lapin disparaît à l’horizon. Je ne suis ni triste ni déçue car je suis convaincue qu’il est préférable de ralentir un peu pour ne pas ralentir beaucoup! Mais tout de même, j’aurais aimé lui dire aurevoir.

Pour la première fois depuis le début de mon marathon, je commence à regarder mon ordinateur de course. J’essaie de faire des calculs mais je suis nulle dans ce domaine… surtout quand je cours. Bof, je ne m’en fais pas. Je souris encore !

Je réalise que je n’ai pas du tout regardé le pace band que je porte au poignet (3h23) et je ne songe pas non plus à sortir celui qui se trouve dans ma poche (3h30). Je cours. C’est tout.

Il y a vraiment beaucoup d’animation aux points d’eau et ça me motive beaucoup d’un à l’autre.

Trois ou quatre kilomètres avant l’arrivée, j’aperçois les couleurs du Club La Foulée loin devant. C’est Marc. Lorsque j’arrive à ses côtés, je lui demande ce qu’il fait là, il devrait être derrière moi !


« Je suis parti trop vite », m’avoue-t-il. Il ne veut pas que je ralentisse pour lui mais je ne suis plus trop certaine de la vitesse que je peux tenir. Il s’accroche et trouve l’énergie de courir à mes côtés.

Je forme de nouveau un duo et je trouve ça fantastique. Notre vitesse augmente au fur et à mesure que la distance diminue entre nous et le fil d’arrivée. Tout à coup, parmi les spectateurs, un copain de Marc se met à lui crier des encouragements. Ça nous prend dans les tripes.
« Vas-y Marc », que je lui dis, « ne m’attends pas ».
« Non, non », me répond-il, « je veux un photo finish avec toi. »

Ça y est, mon petit côté émotif prend le dessus, les larmes me montent aux yeux et subitement, on se met tous les deux à courir comme des fous : je peux lire 4 :20/km sur mon Polar. Rythme que nous parviendrons à maintenir pendant les deux derniers kilomètres.

Mes mains deviennent engourdies. Je le dis à mon compagnon car je crains une chute de pression. Il me demande si je veux ralentir. Je réponds évidemment : « Non, non, non »!

Pour la première fois, à quelques pas de l’arrivée, je lève un seul bras en signe de victoire : celui avec lequel je lui serre la main très fort.

Et encore une fois, après une course, je serre dans mes bras un homme que je connais à peine mais qui après quelques kilomètres compte maintenant beaucoup pour moi!


p.s. Quelques minutes après mon arrivée, je retrouve mon lapin de peluche et enfin, je peux le serrer dans mes bras et lui dire aurevoir. Brian a terminé en 3:19:35. Je savais que je pouvais lui faire confiance!

5 commentaires:

Sylvie a dit…

Même si tu m'as tout racontée en personne, lire ton récit m'a encore arraché des larmes.
Vraiment Hélène, je suis fière de toi!

Helene DNA a dit…

Ça me touche beaucoup, Sylvie, que tu aies cru en moi. Merci beaucoup pour ton amitié. Hélène

Helene DNA a dit…

Ça me touche beaucoup, Sylvie, que tu aies cru en moi. Merci beaucoup pour ton amitié. Hélène

Mademoiselle Pitlipitli a dit…

Hélène...
Tu es incroyable! Tu m'impressionnes vraiment.
Quand j'ai vu que tu avais fait exactement ton temps prévu (Sylvie m'avait parlé du 3h23... un temps déjà assez précis), je me suis dit: "Wow, elle se connaît vraiment bien! Et elle doit être hyper constante!", mais là, en lisant que tu as couru ça sans jamais regarder ta montre.... pffffffiouuuu. Je veux bien croire au lapin, mais une fois disparu au large celui-là, avec la fatigue et la coordination qui fout l'camp, c'est quelque chose de maintenir le cap!
Bravoooooooo!
T'es une super athlète.
Tu m'inspires beaucoup.

Isabelle

Helene DNA a dit…

Honnêtement, j'ai été surprise de voir 3h23 quand j'ai franchi le fil. Comme j'ai ralenti quand j'ai perdu mon lapin, je n'avais plus de repères et je n'étais pas capable de calculer! Dans le fond, j'aurais dû jeter un coup d'oeil a mon pace band, j'ai pris une chance! J'aurais pu manquer ma shot.

C'est vraiment gentil ce que tu m'as écrit. Tu sais, je me sens privilégiée d'avoir autant de facilité à la course à pied. Je n'ai pas l'impression que c'est si difficile de m'entraîner. Un jour, je vais atteindre mon plateau!
Pour le moment, je m'amuse vraiment! Hélène